Voici le premier chapitre, dans son intégralité, de mon manuscrit. Quand j'y pense il s'agit bien là d'un projet un peu fou !?... Quoiqu'il en soit maintenant que je me suis lancé il faut bien avancer. Aussi j'avance aussi vite que je peu... lorsque j'ai un peu de temps libre comme ce soir (zzzz...). Bref, voici donc le premier chapitre, ce sera le seul chapitre que je mettrai dans son intégralité. Il n'est pas besoin de préciser que je serai enchanté de lire les commentaires le concernant... ne serait-ce que pour me dire si je dois continuer d'écrire ou bien si il faut tout de suite que j'abandonne la tenue de ce blog pour en créer un autre sur les plantes vertes ou les grenouilles roses à pois verts d'amazonie !?
Chapitre 1
LE SECRET DE CADIRHAN
Dans le village de Maignelay, au cœur de la Vallée de Narachel, vivait Cadirhan. Toujours souriant et de bonne humeur, Cadirhan était un jeune garçon rondouillard, éternellement débraillé et aux cheveux toujours ébouriffés. Ceux qui le connaissaient le désignaient comme quelqu’un de « bien comme il faut », et ils en attribuaient généralement le bénéfice à l’éducation qu’il avait reçue de ses parents (des gens « bien comme il faut » eux aussi, naturellement). Pour preuve, personne n’avait jamais eu à se plaindre de lui et il demeurait apprécié de la plupart des villageois, pour ne pas dire de tous. Cependant Cadirhan n’était pas un jeune garçon comme les autres, non, en vérité ce n’était pas un jeune garçon du tout. Déjà il entrait dans sa vingtième année, l’année de l’entendement comme l’appelaient les gens du pays. Malheureusement l’entendement, chez Cadirhan, n’était certes pas celui qu’on pouvait en attendre de quelqu’un de son âge. « Il est différent, ainsi en ont voulu les Dieux », se contentait de déclarer le prêtre du village pour toute explication. Et différent il l’était assurément. Il montrait en effet, depuis tout petit, quelques prédispositions pour ce qu’on désignait, avec beaucoup de prévenance, de lenteur d’esprit. D’ailleurs ses parents avaient à ce propos, et depuis bien longtemps, perdu tout espoir d’en faire un notable. De méchantes langues auraient même pu le qualifier d’idiot du village tant il demeurait le plus candide de tous les habitants. Mais fort heureusement il n’y avait pas de méchantes langues à Maignelay et le pire qu’on eut finalement entendu dire de lui était qu’il avait la mémoire d’une carotte, encore que ce fut dit avec beaucoup d’affection.
Sa demeure était située à la sortie du village (ou bien était-ce l’entrée), et avait auparavant appartenu à sa grand-mère. Il s’agissait là d’une demeure positivement petite. D’aucuns l’auraient même trouvé minuscule. Mais aussi minuscule qu’elle fut, elle satisfaisait amplement son propriétaire pour qui une bonne maison se devait avant tout d’avoir un toit solide et un lit douillet. S’il se satisfaisait de peu c’est qu’en fait il passait le plus clair de son temps à l’extérieur, occupé à travailler chez les artisans du village comme le Père Moguette ou encore la famille Pied-de-Bouc, pour ne citer que ceux-là. Les quelques sous qu’il gagnait lui permettaient de subvenir à ses besoins, sans rien devoir à personne. Ainsi vivait Cadirhan dans le petit village de Maignelay. Et le temps aurait pu s’écouler pareillement encore longtemps si le destin n’avait pas croisé, un jour, son chemin.
En fait de jour il serait plus exact de dire une nuit. Une froide nuit de février, alors que le vent hurlait et que la pluie crépitait bruyamment contre les tuiles d’ardoise de sa maison. L’intéressé avait soupé en prenant un potage accompagné d’un morceau de pain, puis était allé mettre quelques bûches dans sa petite cheminée tandis que les volets et la porte de sa demeure tremblaient sous les violentes bourrasques. Après avoir alimenté le foyer, il était monté à la mansarde puis s’était déshabillé pour se blottir, au chaud, sous sa couette, se réjouissant secrètement de ne pas avoir à dormir dehors par un temps pareil. Et alors que les éléments se déchaînaient, il avait fermé les yeux jusqu’à ce que la fatigue finisse par avoir raison de lui.
Ce ne fut que plus tard, bien après qu’il se soit endormi, et alors que l’orage grondait toujours, qu’il fut soudainement extirpé de son sommeil. Il ouvrit les yeux, à demi réveillé, et s’aperçut que toute la pièce était baignée de lumière. Une lumière remplie de couleurs chatoyantes, une lumière vive et intense mais qui n’éblouissait pas. Il se redressa vivement, se frotta les yeux et observa tout autour de lui. D’abord il ne distingua rien, puis il aperçut quelque chose, quelque chose qu’il ne reconnut pas immédiatement. Une forme lumineuse dont les contours se fondaient dans l’intense clarté. La forme grossit peu à peu et il finit par deviner qu’il s’agissait d’un oiseau, un oiseau nimbé de flammes. Il volait dans sa direction, comme on aurait pu dire. Et plus il se rapprochait plus la vision se fit claire. Il observa l’animal, fasciné par tant de beauté et tant de grâce. L’oiseau se rapprocha encore jusqu’à venir se poser juste devant lui. Il écarta alors majestueusement ses ailes de feu. Cadirhan pouvait sentir la chaleur des flammes à présent. C’était une chaleur douce et agréable. Etrangement ce feu intense ne brûlait pas.
En présence de cet oiseau mystérieux, Cadirhan s’aperçu qu’il n’avait pas peur, il se sentait étrangement bien. Il voulut alors parler mais se rendit soudainement compte qu’aucun son ne sortait plus de sa bouche. Cela l’amusa et il s’esclaffa. Mais aucun son ne se fit d’avantage entendre. Puis, sans qu’il s’y attende, son rire raisonna dans son esprit, tel un écho lointain. Il resta interloqué, surpris et déstabilisé par tant d’étrangeté. Devant sa réaction l’oiseau rit en retour, bien qu’il demeura aphone lui aussi. Son rire se propagea dans l’esprit de Cadirhan qui en fut émerveillé. Il observa, admiratif, l’oiseau encore quelques instants, espérant l’entendre à nouveau, mais celui-ci resta muet. « Comme tu es beau », finit-il par penser, et ces mots se mirent comme par magie à raisonner, à rebondir dans l’esprit de chacun. « Comment t’appelles-tu ? D’où viens-tu ? As-tu faim ? ». Et mille autres questions se bousculèrent en même temps dans la tête du jeune garçon. Mais l’oiseau ne répondit pas, se contentant d’écouter et d’observer. « As-tu soif ? Es-tu perdu ? » insista Cadhiran. Mais l’oiseau ne répondit toujours pas. Cadirhan en parût d’autant attristé. Ce fut, en fait, lorsqu’il n’espérait plus l’entendre à nouveau que l’oiseau s’approcha et lui parla. Il lui parla l’espace d’un instant, un instant dont il ne sut dire s’il fut court ou long tellement le temps semblait être suspendu. Ses paroles furent comme une agréable mélodie dans son esprit qui fut comme envoûté par ce son si enchanteur. Il écouta attentivement et personne d’autre que lui n’entendit ce qu’il fut dit cette nuit là.
Après qu’il eut terminé de parler, l’oiseau écarta ses ailes à nouveau et s’inclina comme pour saluer son interlocuteur. Alors qu’il se redressait, les flammes semblèrent redoubler, et il se consuma brusquement tandis que ses cendres retombèrent en une pluie d’étoiles étincelantes. L’intense clarté disparut dès lors instantanément, laissant place à la noirceur de la pièce qu’éclairaient faiblement les quelques braises rougeoyantes du foyer de la cheminée. Cadirhan se frotta les yeux, comme s’il venait de se réveiller. Il se demanda d’abord ce qu’il faisait ainsi assis sur sa couche. Et alors qu’il essayait de trouver une explication satisfaisante, son regard fut attiré par un objet posé sur le sol, là, juste devant lui. Il s’approcha lentement, intrigué et méfiant. Il s’agissait d’un cube en bois. « Comment est-il donc arrivé jusqu’ici ? », se demanda-t-il. Sans quitter l’objet des yeux il s’approcha plus près encore, et c’est alors que le cube se mit soudainement à briller. Il brillait de mille feux, comme s’il n’avait plus été fait que de lumière. Puis, peu à peu, l’éclat se fit moins vif, laissant apparaître des runes dessinées sur ses faces. Elles scintillaient comme si elles avaient été faites d’or et qu’elles fussent éclairées par le feu. Poussé par l’excitation et la curiosité, il s’approcha plus près encore jusqu’à se saisir de l’objet. Au contact de sa main, les runes s’éteignirent et tout lui revint à l’esprit. Il se rappela de l’oiseau, il se rappela de ce qu’il lui avait dit, il se rappela d’un nom, Dravessar.
Le lendemain matin, le soleil était déjà haut dans le ciel lorsque Rodegon Pied-de-Bouc alla rendre visite à Aldunan Moguette. Il était particulièrement furieux. Cadirhan n’avait toujours pas montré le bout de son nez et il ne doutait pas un instant que le vieux Moguette l’avait gardé plus longtemps que de coutume. Le gredin devait certainement être occupé à radoter sur de vieilles histoires comme il avait l’habitude de le faire. Tout bavard qu’il était, il ne pouvait s’empêcher de parler de tout et de n’importe quoi, de telle sorte que Cadirhan se retrouvait tous les matins en retard. Or il s’avéra qu’il s’agissait précisément là du matin de trop pour Rodegon Pied-de-Bouc. Aussi traversa-t-il le village d’un pas rapide et déterminé pour aller secouer les puces de ce « vieux fou de tanneur», comme il aimait à l’appeler.
Cependant, lorsqu’il pénétra dans la maison de celui-ci, il demeura fort étonné de ne trouver personne. Ni de Moguette, et encore moins de Cadirhan. Tout au plus découvrit-il la bouilloire en train de siffloter gaiement. Il se gratta la tête et fronça les sourcils, se demandant ce que cela pouvait bien cacher. C’est alors que le Père Moguette, une miche de pain sous le bras, se présenta dans l’encadrement de la porte. Il observa Pied-de-Bouc d’un œil méfiant et étonné.
- Quel mauvais vent t’amène donc jusqu’à chez moi ? Railla-t-il.
Le fermier, surpris, sursauta et se retourna.
- Ha te voilà enfin ! Laisse donc le vent où il est et dis moi plutôt ce que tu as fait de Cadirhan.
- Cadirhan ? Je ne l’ai point vu ! Il n’est pas venu travailler ce matin !
- Tu ne l’as point vu ? S’étonna Pied-de-Bouc à demi convaincu. Que me racontes-tu donc là ?
- Puisque je te dis que je ne l’ai point vu ! Crois tu que je l’aurais caché au fonds de ma poche ?
Le fermier fit une moue perplexe.
- Gare à toi si tu me fais tourner en bourrique !
- Ha la peste soit des ronchons ! Grogna le vieux Moguette. Crois-tu que je n’ai que ça à faire que de te faire tourner en bourrique ? Ouvre donc tes oreilles et écoute bien ce que je vais te dire. Lorsque je n’ai pas vu arriver Cadirhan ce matin j’ai pensé qu’il se sera sans doute oublié et qu’il aura préféré s’en aller directement chez toi. Peut-être ai-je alors été irréfléchi, je veux bien te l’accorder, car voilà que tu me dis maintenant qu’il n’est point venu te voir non plus. Et bien je te dis, moi, que ce n’est pas dans ses habitudes, ha ça non, et j’espère qu’il n’est pas malade ou pis encore. Je m’en vais donc me rendre chez lui pour voir ce qu’il en est et tu ferais bien de m’accompagner.
Pied-de-Bouc bougonna un instant puis se rangea finalement à l’avis du vieux Moguette. Ils partirent donc, tous deux, en direction de la maison du jeune garçon.
Arrivés devant la petite bâtisse, ils s’empressèrent de frapper à la porte. Personne ne leur ouvrit. Ils frappèrent plus fort encore mais la porte demeura désespérément fermée. Les volets étaient clos, la cheminée ne fumait pas, aucun bruit ne se faisait entendre. Le Père Moguette et Pied-de-Bouc échangèrent un regard anxieux.
En fin de matinée tout le village était sans dessus dessous, et tous les habitants étaient occupés à chercher Cadirhan. Personne ne l’avait aperçu depuis la veille au soir et tout le monde en était à présent pleinement inquiet. A midi quelqu’un lança l’idée d’aller forcer la porte de sa maison. Chacun se demanda alors pourquoi personne n’y avait pensé plus tôt. Sans plus attendre tout le monde se rendit jusqu’à sa demeure et, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, la porte fut enfoncée. Ses parents, le bourgmestre, le Père Moguette ainsi que Pied-de-Bouc entrèrent dans la petite maison mais n’y trouvèrent finalement personne. Une partie du village en fut soulagée, redoutant de trouver Cadirhan inanimé, mais l’autre partie s’en inquiéta d’autant plus, se demandant ce qui avait bien pu lui advenir. Tout au plus quelqu’un fit remarquer que ses chaussures et son par-dessus étaient manquants, de même que son sac.
Certains avancèrent l’idée que le jeune garçon avait pu partir en voyage. Partir en voyage ! Chacun savait pourtant que Cadirhan n’avait jamais quitté le village, alors l’imaginer partir en voyage était bien là une idée que d’aucuns jugèrent des plus saugrenues. Aussi les villageois décidèrent-ils de fouiller activement le village et ses environs, ne doutant pas qu’il serait retrouvé avant la fin de la journée. Des battues furent ainsi organisées dans la forêt, les maisons et les granges furent fouillées, de même que les quelques puits existants. Mais lorsque le soir arriva, même les plus optimistes sur l’issue de cette étrange disparition en vinrent à imaginer le pire. Car de Cadirhan, personne n’avait retrouvé trace. Un conseil de village fut alors hâtivement organisé, et chacun alla de son explication et de sa conjecture sur ce qui aurait pu lui arriver. Ses parents étaient en larmes, tandis que le Père Moguette apparut fort affecté, de même que les familles Pied-de-Bouc et Grandes-Oreilles. Mais bien qu’on essaya de se rassurer parmi l’assistance en arguant qu’il n’était sûrement rien arrivé de bien grave, personne ne fut dupe.
Les jours qui suivirent n’apportèrent aucun indice ni explication pertinente. Les semaines passèrent, puis les mois. Cadirhan demeura introuvable.